Aïe! Tout se passait bien jusqu'à présent! L'ambiance était OK, les PNJ aussi. Et patatras! Voici que se pointe le moment du combat, avec ses tonnes de règles! Derrière votre écran, vous vous faites tout petit, car bientôt ça va être l'assaut. Bombardement de « je fais ci et je fais ça », rafales de jets de dés; décidément, les combats c'est pas cool...
Le pourquoi du problème
Vous êtes-vous jamais demandé pourquoi la majeure partie des règles de jeu de rôle était consacrée aux combats. Non? Eh bien c'est le moment d'y réfléchir! Les auteurs de jeu ne sont pas particulièrement militaristes, ni amoureux des armes, encore moins fanatiques de la violence. Mais si les combats sont aussi codifiés et détaillés, c'est simplement qu'ils sont le seul moment d'une partie où il est nécessaire d'avoir des règles.
Imaginez un instant que le combat soit, de même que les descriptions ou les actions des PNJ, entre les seules mains du meneur de jeu, cela n'aurait pas grand intérêt... En effet, si l'issue des combats dépendait seulement de son bon vouloir, cela conduirait à un arbitraire intolérable. Avec un MJ sympa, le combat serait gagné d'avance, dans le cas contraire, le combat pourrait tourner au massacre, comme ça, simplement en claquant des doigts: « Là, vous êtes tous morts. »
Frustrant, non? Et dans un cas comme dans l'autre d'ailleurs! Car sans prise de risque, sans danger effectif pour le personnage, il ne peut avoir ni suspense, ni exploit glorieux.
Il faut donc un système dans lequel le joueur soit responsable du sort de son personnage pour qu'il ne puisse s'en prendre qu'à lui-même en cas d'issue tragique, mais aussi recevoir toute la gloire d'un « beau » combat. D'où le recours aux dés. De plus, comme tout échec peut entraîner la mort du personnage, il est nécessaire que le déroulement du combat ne prête pas à polémique, qu'il soit logique et le plus réaliste possible, d'où de nombreuses règles,
Les règles sont ici d'autant plus importantes que le meneur de jeu est, dans ce cas précis, votre « ennemi » et non un arbitre impartial. Il passe en effet d'une position au-dessus de la mêlée à celle de simple participant. Il joue les monstres, lance les dés pour eux et donc fatalement prend parti, même involontairement, pour leur camp. On se retrouve alors dans le même cas de figure, grosso modo, qu'un jeu de plateau où chaque joueur roule pour son propre compte. Seules des règles complètes, couvrant tous les cas de figures, peuvent alors être les garantes d'un maximum d'impartialité.
Quelle position le meneur de jeu doit-il adopter?
Alea jacta est. Les dés c'est les clés, et quel que soit le résultat, doit être appliqué à la lettre. Tel est le Destin. Si on se permettait de « tricher » avec lui, ce serait ouvrir la porte à tous les débordements, ce serait l'anarchie... D'un autre côté, on peut tout se permettre derrière un écran, aucun joueur n'oserait y pointer le nez, et comme l'a dit un célèbre créateur de jeu de rôle (Gary Gigax) « les dés ne servent qu'à faire du bruit derrière le paravent ».
Comme toujours, entre ces deux extrêmes, il existe une ligne médiane. Bien évidemment, il est nécessaire de respecter le verdict des dés, sinon il n'y aurait aucun suspense. Cependant, le meneur de jeu peut faire quelques « écarts » de temps à autre, par exemple pour éviter qu'un scénario n'avorte à cause d'une méchante malchance ou pour permettre à un PNJ indispensable de ne pas disparaître trop tôt. Après tout, on ne joue pas au 421, mais au jeu de rôle.
Le tout étant que le meneur de jeu ne montre pas sa magnanimité. Les joueurs n'aiment pas - je parle d'expérience - que leurs personnages soient couvés. Sans vrai danger, il n'y a aucune gloire à sortir vainqueur d'un combat, et la victoire n'est pas la vôtre si ce sont les dieux qui tiennent l'épée à votre place...
Trucs de vétéran
Dans un combat, les joueurs n'ont qu'à annoncer leurs intentions d'action et lancer les dés. Pour le meneur de jeu, en revanche, c'est une autre paire de manches. Il doit expliquer quelle règle s'applique à cette action, lancer les dés, répondre aux questions, gérer les monstres et les PNJ... Mais pas de panique. De l'ordre et de la méthode, c'est tout ce dont vous avez besoin pour vous en sortir. Et si en plus, vous vous inspirez des quelques conseils qui suivent, tout se passera bien...
Bien connaître les règles
Cela semble aller de soi, mais il vaut mieux le répéter. Il faut en effet porter une attention particulière aux règles de combat parce que bien les connaître, c'est le secret pour obtenir des combats fluides, rapides et pleins de suspense, façon Hollywood. Il est toujours dommageable pour l'ambiance et pour l'action de devoir retenir son épée ou de voir une flèche vous foncer droit dessus durant plusieurs minutes... le temps que le MJ trouve la bonne page du livre de règles.
Entraînez-vous
Lire ne suffit pas, il faut aussi pratiquer. Avant la partie, faites des combats-tests avec des monstres et des personnages (deux perso l'un contre l'autre, un monstre contre un perso, etc.) de différentes forces (un fort contre un faible, un fort contre un fort, deux faibles contre un fort. etc.). Cela vous permet d'acquérir une expérience qui sera bien utile quand vous devrez gérer cinq ou six combats en même temps. Cela permet également d'apprécier la durée d'un combat et son danger potentiel, une notion qui vous sera utile lorsque vous inventerez vos propres scénarios. Ainsi vous vous rendrez compte si vous avez mis la barre trop haute ou pas assez...
Les antisèches
Pour ne pas avoir à tout apprendre par coeur, faites un résumé (maximum une page) sur les grandes lignes du système de jeu. Laissez tomber les cas particuliers et les règles accessoires, il sera toujours temps de vous rafraîchir la mémoire si vous devez les utiliser. Concentrez-vous plutôt sur ce qui va servir tout le temps, comme par exemple l'ordre des actions dans un round de combat ou la table des principales armes. Vous pouvez y ajouter les numéros de page de certains points de règle ou même en résumer un qui vous pose problème.
Préparer la partie
Un combat, cela se prépare. Quand vous lisez un scénario, repérez bien les endroits où ça va chauffer. Et pour chacun d'eux, préparez une feuille de gestion. C'est un nom bien pompeux pour une simple feuille de papier sur laquelle vous recopiez les caractéristiques des PNJ ou des monstres qui vont intervenir. N'indiquez sur cette feuille que ce qui sert dans le combat (arme utilisée, compétences, points de vie, endurance, etc.). Et surtout laissez de la place après chaque combattant pour pouvoir noter les conséquences du combat (variation des points de vie, nature des blessures reçues).
Le champ de bataille
Pour symboliser le lieu du combat, rien ne vaut un petit tableau effaçable (façon Velleda). Prenez-en un de la taille d'une copie double, c'est largement suffisant. Dessinez un plan précis du lieu du combat, c'est très important pour avoir une vue d'ensemble de la mêlée, aussi bien pour vous que pour les joueurs. Vous pouvez aussi noter dessus, avec un marqueur d'une couleur différente (rouge par exemple), les déplacements annoncés des combattants pour vous en rappeler et d'autres indications relatives à la gestion
du combat: une arme tombée à terre, une blessure grave, la durée d'un sort, etc.
Les combattants
Chaque participant au combat doit être représenté par quelque chose. C'est facile pour les PJ, chaque joueur ayant généralement une figurine pour son personnage. En revanche, pour les PNJ et les monstres...
La plus esthétique des solutions - et celle qui vient en premier à l'esprit - est bien sûr les figurines peintes, mais ce n'est pas la meilleure. La figurine de PNJ tend à tuer l'imagination du joueur car il lui est difficile de faire abstraction de cette représentation visuelle. On risque alors de perdre la dimension « rôle » du combat.
Pour des raisons pratiques, je leur préfère des pions, découpés dans du carton, ou mieux: empruntés pour l'occasion à un vieux jeu de société. Dans le premier cas, on distingue les différents combattants par le numéro du pion; dans le second, par sa couleur. « Le garde avec la lance brandie et le bouclier légèrement écaillé » devient par exemple le pion 5 ou rouge, ce qui est certes moins beau, mais bien plus pratique pour la gestion du combat. Les plus habiles peuvent aussi réaliser quelques silhouettes grossières, polyvalentes, en Fimo (une pâte à modeler de couleur vive qui durcit au four), à l'échelle des figurines.
On peut bien sûr utiliser les deux méthodes: des pions pour le menu fretin et des figurines pour les acteurs de premier plan (chef de bande, magicien, grand méchant...). Dans ce cas, la figurine est plus perçue comme un signe de puissance qu'une stricte représentation.
Dans tous les cas, n'oubliez pas de noter sur la feuille de gestion à quelle figurine ou pion correspond tel ou tel combattant.
Dos au mur!
Voilà! On y est! Au détour d'un chemin ou d'un couloir, derrière une porte ou devant un pont, l'ennemi pointe son nez... Inutile de fuir, tout le monde veut en découdre... Pour autant, ne vous précipitez pas aussitôt au combat, même si les joueurs trépignent d'impatience. Prenez quelques instants pour vous préparer (quitte à provoquer une pause « qui marche en tête? » pendant laquelle les personnages discuteront entre eux et vous oublieront un moment) et faire votre check-list: résumé des règles, figurines ou pions, feuilles de gestion, dés, Velleda, marqueurs. OK! On y va...
N'oubliez pas l'ambiance
Durant un combat, la vie des personnages est littéralement entre les mains des joueurs puisque ce sont eux qui lancent les dés. Ce détail suffit à lui seul à créer une ambiance, mais ce n'est pas une raison pour laisser tomber le rôle. Décrivez les adversaires, détaillez ou même mimez les coups et les parades, agrémentez vos jets de dés de répliques genre « Jolie feinte, marquis, mais point assez pour me navrer! » ou « Ta tête va gicler, charogne! », grognez au besoin... Les joueurs doivent sentir une certaine agressivité de la part de leurs assaillants. Mais n'en faites pas trop quand même!
Quelques mots pour les joueurs
Gérer un combat n'a rien de facile pour le meneur de jeu, surtout débutant. Alors aidez-le! Soyez disciplinés et attentifs, modérez votre ardeur. Pensez toujours que si vous ne vous occupez que de votre personnage, le MJ, lui, en a généralement cinq ou six sur les bras...
Rigueur et discipline...
C'est classique: dès le premier jet de dé, le combat va tendre à la foire d'empoigne où tout le monde veut agir en même temps. A vous de réagir si vous ne voulez pas qu'il sombre dans l'anarchie. A cela, un seul remède: faites preuve de rigueur et de discipline. Déterminer un ordre dans lequel doivent être gérés les différents combats et tenez-vous y (selon les jeux, en vous référant au facteur d'agilité ou d'initiative du perso). Tour après tour, combat après combat, respectez scrupuleusement cet ordre. Ce n'est peut-être pas drôle, mais c'est bien la seule façon de procéder pour ne pas se planter ou se laisser déborder.
Aïe, ça fait mal!
Les combats de jeu de rôle sont souvent des combats à mort, comme si tous les combattants étaient des fanatiques ou des héros. Halte! On a le droit aussi d'être lâche, douillet, démoralisé, ou tout simplement de ne pas se sentir très motivé pour prendre des coups. Pensez-y quand vous gérez les monstres ou les PNJ, cela peut rendre les combats plus intéressants, plus épiques. Des PJ pourraient ainsi tenir tête à une horde d'orques lâches alors que techniquement, sur le papier, ils n'auraient aucune chance. Même les orques ont des sentiments; même eux ont mal quand on les frappe! Un combat peut très bien s'arrêter au premier sang si c'est la coutume, ou un groupe battre en retraite s'il perd la moitié de ses effectifs ou si son chef est mis hors de combat, quitte à revenir nuitamment se venger...
De plus, cela ne rend que plus angoissante la rencontre avec ceux des monstres ou des PNJ qui se battent jusqu'au dernier souffle...
Arrêter une partie en plein combat
Il est déjà si tard? Bon... On arrête la partie. Manque de chance, c'est en plein combat... Si cela vous arrive, faites un croquis de la position des combattants sur la feuille de gestion pour pouvoir reprendre le combat exactement dans la même disposition. Notez également l'ordre des différents combats et à quel moment vous en êtes. Ceci fait, vous pouvez tout remballer...
Deux types de combats particuliers
PNJ contre PNJ ou monstre
Dans ce type de combat, le vainqueur est désigné d'avance, soit par le scénario, soit par vous. Connaissant l'issue, et dans la mesure où les PJ ne s'en mêlent pas, vous n'avez rien à faire d'autre que de raconter le combat. Bien sûr, si vous le désirez, vous pouvez laisser faire le destin et lancer les dés, mais ce n'est pas nécessaire.
Batailles rangées
Parfois les personnages se trouvent plongés dans une vraie bataille.
Il est évidemment impensable de tout gérer, d'ailleurs on ne vous le demande pas. Dans ce cas, vous avez deux problèmes à résoudre. Quel camp va gagner et que faire des personnages ?
En l'absence de règles de bataille, vous avez trois possibilités pour déterminer le vainqueur de l'affrontement.
- Le déterminer vous-même, à moins que le cas ne soit réglé par le scénario.
- Considérer chaque camp comme un personnage, avec autant de points de vie (par exemple) que de soldats. Vous gérez alors séparément les combats des PJ et celui des deux camps.
- Lier le sort de la bataille à celui des PJ. Racontez la mêlée aux PJ, les corps qui tombent autour d'eux et faites de temps à autre un zoom sur un combat particulier au coeur de la mêlée. Choisissez de préférence des actions d'éclat: sauver un prince, défendre un pont, capturer le drapeau de l'adversaire, tuer le chef adverse, détruire une machine de guerre qui fait des ravages. Vous pouvez faire alors d'une pierre deux coups, car ce sont des actions de nature à faire basculer la bataille. Ainsi, si les PJ meurent, leur camp perd. S'ils survivent, il gagne.